Lutte contre les féminicides : l’urgence de mettre en place un cadre légal pour protéger les filles et les femmes

Depuis plusieurs années, l’Etat Ivoirien a mis en place des dispositions pour lutter contre  les violences faites aux filles et aux femmes. Malheureusement, nous observons ces dernières années une recrudescence de la violence envers les filles et des femmes. Parmi ces violences, le féminicide, qui constitue l’une des violations les plus graves des droits des filles et des femmes, ne cessent de prendre de l’ampleur. Le féminicide est définit comme « l’homicide d’une femme, d’une jeune fille ou d’une enfant en raison de son sexe ». En Côte d’Ivoire, les féminicides les plus récurrents en Côte d’Ivoire sont les féminicides intimes et non intimes. Le féminicide intime est commis par le conjoint, actuel ou ancien de la victime. Le féminicide non intime, quant à lui est un crime qui implique une agression sexuelle ou dans lequel les femmes sont explicitement visées.

En 2020, selon une enquête de l’ONG Citoyennes pour la Promotion et Défense des Droits des Enfants et Minorités, ce sont près de 419 femmes qui ont été tuées par leur conjoint, dans seulement 6 communes de la ville d’Abidjan. En 2024, ce sont près de 6717 cas de violences domestiques qui ont été recensés en Côte d’Ivoire.

Malgré la gravité de la situation, il n’existe à ce jour dans la juridiction ivoirienne, aucune loi visant à lutter contre les féminicides. Ces meurtres, dont le nombre ne cesse de s’accroître au fil des années, sont pourtant des manifestations de la violence systémique et structurelle dont sont victimes les filles et les femmes en Côte d’Ivoire. 

La Ligue Ivoirienne des droits des femmes interpelle ainsi les pouvoirs publics sur l’importance de mettre en place plus d’actions de protection et des mesures de sanctions, vis-à-vis des cas de  féminicides. Les féminicides sont souvent une conséquence des violences domestiques et conjugales, il est donc important que les lois prises soient définies et  appliquées, afin que les agresseurs et meurtriers subissent la rigueur de la loi. 

Désirée Dénéo, Secrétaire générale à la Ligue Ivoirienne des Droits des Femmes souligne de ce fait, l’importance d’encadrer les féminicides dans le droit ivoirien : « En cette période de mobilisation contre les violences faites aux femmes, il est impératif de dénoncer sans relâche les féminicides, ces actes odieux qui privent des femmes de leur vie. Ensemble, exigeons un renforcement du cadre juridique pour les prévenir et les punir sévèrement. » 

Dans le cadre des 16 jours d’activisme de lutte contre les violences basées sur le genre, qui ont lieu chaque année du 25 novembre au 10 décembre, il est important de faire un état des lieux du contexte juridique ivoirien, afin de renforcer les connaissances des filles et des des femmes ainsi que du grand public sur les mécanismes de protection existants. Cette période est également une opportunité pour interpeller les décideurs et décideuses politiques sur la nécessité de mettre en place des actions de lutte concrètes, à commencer par l’établissement de lois spécifiques et claires, sur les féminicides. 

D’après l’article 35 de la Constitution, l’État de Côte d’Ivoire est tenu de protéger les femmes et les filles et agir en prenant les mesures nécessaires en vue d’éliminer toutes les formes de violence faites à la femme et à la jeune fille. Les féminicides sont une forme de violence dans laquelle le mot survivante ne peut être utilisé car toutes les victimes perdent la vie dans des circonstances macabres.

Selon une étude citée par l’Organisation mondiale de la santé, plus de 35 % des femmes tuées dans le monde le seraient par leur partenaire, contre 5 % seulement des meurtres concernant les hommes. En 2021, environ 45 000 femmes et filles dans le monde ont été tuées par leur partenaire intime ou d’autres membres de la famille. Cela signifie qu’en moyenne, toutes les heures, plus de cinq femmes ou filles sont tuées par un membre de leur propre famille.

Désirée Dénéo, SGA de La Ligue rappelle que : « En Côte d’Ivoire, les féminicides sont souvent occultés par le manque de données et traités comme des faits divers isolés. Cette invisibilisation statistique contribue à minimiser la gravité de ces crimes et à perpétuer l’inégalité entre les sexes. » 

La Ligue salue toutefois les efforts de l’État Ivoirien qui en 2021 a permis de mettre en place des mesures de protection pour les victimes de violences domestiques.

La loi N° 2021-894 du 21 décembre 2021 relative aux mesures de protection des victimes de violences domestiques, de viol et de violences sexuelles autres que domestiques : 

Article 1 : Au sens de la présente loi constituent des violences domestiques, tous les actes de violence qui surviennent : 

  1. au sein de la famille ou du foyer, commis par l’un de ses membres à l’encontre d’un autre membre, ou de toute autre personne vivant dans la même maison que l’agresseur, qu’il soit lié ou ait été lié ou non à la victime par des liens de parenté, par le sang ou par alliance ; 
  2. entre des anciens membres ou actuels conjoints ou concubins ou personnes entretenant ou ayant entretenu une relation de fait, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou ait partagé le même domicile que la victime.

Article 2 : En cas de violences domestiques mettant en danger l’une des personnes mentionnées à l’article précédent, le Président du tribunal peut délivrer, en urgence, une ordonnance à la protection de la victime. 

Article 10 : Une ordonnance de protection peut également être délivrée en urgence, par le Président du Tribunal : 

  • à une personne menacée d’une union matrimoniale forcée de nature civile, coutumière ou religieuse, dans les conditions fixées à l’article 5 ; 
  • à une personne victime de viol ou de toute autre violence sexuelle dans son lieu d’habitation ; 
  • à une personne dont l’enfant mineur est victime de viol ou de toute autre violence sexuelle, physique ou morale dans son lieu d’habitation.

Article 13 : Dans le cadre de la mise en œuvre de la présente loi, la victime qui en fait la demande, bénéficie de droit de l’assistance judiciaire.

Les frais liés aux réquisitions prévues dans la présente loi, sont imputés sur les frais de justice criminelle, correctionnelle et de simple police.

Article 14 : Quiconque, faisant l’objet d’une obligation ou d’une interdiction imposée par une ordonnance de protection, ne se conforme pas à cette obligation ou interdiction, est puni d’un emprisonnement de trois mois à douze mois et d’une  amende de 50.000 à 500.000 francs.

Cette année, les 16 jours d’activisme serviront de fer de lance à La Ligue pour rappeler les engagements de l’État Ivoirien sur la protection des femmes et des filles, mais aussi pour informer la population sur les lois existantes afin de prévenir les violences contres les femmes et les filles.

La Ligue Ivoirienne des Droits des Femmes
est une organisation féministe créée par des jeunes femmes ivoiriennes engagées dans la promotion des droits des femmes ainsi que la lutte contre les violences faites les femmes.

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