Journée de la prévention du suicide

Abidjan, 10 Septembre 2024-/La Ligue/ En avril dernier, deux suicides ont été déclarés au sein de l’armée ivoirienne : un adjudant et un médecin lieutenant-colonel. Le mardi 9 juillet, un gendarme s’est jeté dans la lagune du haut du pont Général-de-Gaulle au Plateau. Le 14 Juillet, un étudiant s’est pendu dans l’ouest de la Côte d’Ivoire à Danané. Ces quelques cas font partie de la succession de suicides qu’a connu la Côte d’Ivoire dans la deuxième moitiée de l’année 2024 qui ont ému l’opinion publique. 

Guide mis en place par l’OMS en 2022

Chaque année, la Journée Mondiale de la Prévention du Suicide est célébrée le 10 septembre depuis 2003. Elle vise à attirer l’attention sur la question du suicide, à combattre la stigmatisation et à sensibiliser les organisations, les gouvernements et le grand public, en martelant que le suicide est évitable. L’occasion est donc bien choisie pour étudier les causes de ce phénomène et l’endiguer.

Selon une étude de prévalence du suicide en Côte d’Ivoire effectuée par le PNSM et financée par l’Organisation Mondiale de la Santé en 2021, 418 cas de suicides et 927 cas de tentatives de suicides ont été notifiés dans la période allant 01 janvier 2019 au 31 décembre 2021. Une autre étude menée par l’unité de médecine légale du CHU de Treichville sur la période 2013-2020, révèle que la Côte d’Ivoire comptabiliserait 23 cas de suicides par an. Elle est donc au troisième rang en Afrique en termes de nombre de suicide. Ces statistiques révèlent le mal-être d’une population qui souffre de plus en plus, et qui est désespérée face aux nombreux obstacles de la vie.  

Le patriarcat, organisation sociale dans laquelle l’homme monopolise le pouvoir et dicte les règles, participe à la dégradation de notre santé mentale. En effet, les violences sexistes et sexuelles engendrent des blessures autres que physiques. Les victimes risquent de connaître des troubles dépressifs, du stress post-traumatique ou encore des  symptômes de dissociation. Ces derniers sont des processus, souvent inconscients, qui se mettent en place chez l’enfant/l’adulte lorsqu’il est victime d’une agression sexuelle pour permettre au corps de survivre. Cependant, cela peut avoir des conséquences à long terme car la mémoire et la perception de soi-même sont impactées.

Le thème pour les trois prochaines années est : « Changer le discours sur le suicide », souligne sensibiliser à l’importance de changer le discours autour du suicide et de transformer la façon dont est perçue cette question complexe. Bien que les données spécifiques varient par pays, on estime que plus de 40 % des femmes en Afrique de l’ouest sont victimes de diverses formes de violences, incluant le harcèlement sexuel. Le harcèlement sexuel, fragilise durablement la perception que les femmes ont d’elles-mêmes et de leurs capacités. D’après la journaliste Victoire Tuaillon, le harcèlement sexuel « abîme, créé une perte de confiance » et, ce faisant, « permet aux hommes d’éliminer des concurrentes ». La fragilisation psychologique est donc le prolongement logique de toutes les violences patriarcales et elles en sont à la fois la conséquence et la protection des agresseurs. 

La raison principale de suicides correspond à la violence au sein du couple, physique, psychologique ou économique. La victime est placée dans un état de détresse psychique annihilant toute capacité de discernement suite aux paroles blessantes, injures, harcèlement, isolement, chantage, etc,.. que l’auteur de ces actes lui inflige. La femme est alors mise en condition psychique, poussée à mettre fin à ses jours . Selon l’enquête Citoyenne féministe de 2019, de 20% à 29% des victimes de violences entre partenaires intimes avaient tenté de se suicider au moins une fois en France. Le taux serait de 5 à 8 fois supérieur au taux de la population générale.

Les hommes sont eux aussi victimes du patriarcat qui les pousse à mettre fin à leurs jours. D’après l’OMS, plus de deux fois plus d’hommes que de femmes mettent fin à leurs jours (taux de 12,6 pour 100 000 hommes contre 5,4 pour 100 000 femmes). L’une des raisons qui l’explique est le rapport à l’intime.  Dans les représentations genrées du masculin, parler spontanément de son intimité n’est pas valorisant.Le plus souvent, on leur demande d’encaisser leur mal être et de ne pas déranger les autres. 

L’Afrique est la région avec le plus haut taux de suicide (11,2 pour 100 000), supérieur à la moyenne mondiale (9,0 pour 100 000) en 2019. Malgré la multiplication des nombre de suicides par an, la santé mentale reste un tabou sur le continent. À cause du patriarcat, les populations ont été conditionnées à endurer, encaisser sans parler. Il ne faut pas s’attarder sur les problèmes psychologiques, “Dieu va gérer”. Il ne faut pas afficher sa souffrance, par peur de paraître “faible”. Les psychologues suscitent de la peur

Les États africains allouent en moyenne 0,46 dollar par habitant, ce qui est bien en dessous des 2 dollars par habitant recommandés pour les pays à faible revenu. Aussi immenses que soient les besoins, les troubles mentaux sont peu comptés dans les politiques de santé publique. Dans de nombreux États d’Afrique de l’Ouest, la gestion des malades mentaux dépend encore largement d’associations d’aspirations religieuses. 

Toutefois, le Côte d’Ivoire est le premier pays d’Afrique francophone à avoir mis en 2023 un système de notification des cas de suicides. 

Pour améliorer la santé mentale des africains, il serait judicieux d’y accorder plus d’importance, autant dans la sphère publique et privée. Le ministère de la santé devrait créer des cellules de paroles et/ou des accompagnements personnalisés pour les personnes dans le besoin.

Si vous ressentez le besoin de parler ou êtes en quête de solutions face à un problème de santé mentale, La Ligue se tient à votre disposition afin de vous accompagner et de vous aider à contacter des associations de psychologues, comme PsyTrotter,reconnu pour ses consultations psychologiques à domicile, en cabinet, en ligne, et dans les aires naturelles.

Écrit par Marianne Thiémélé

La Ligue Ivoirienne des Droits des Femmes
est une organisation féministe créée par des jeunes femmes ivoiriennes engagées dans la promotion des droits des femmes ainsi que la lutte contre les violences faites les femmes.

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