Étudiante en sciences juridique, Yamiley a commencé son combat de féministe depuis quelques années. En 2021, elle a participé et animé de nombreux ateliers de formations qui consistaient à sensibiliser les petites filles et petits garçons sur leurs droits fondamentaux et sur l’égalité entre les sexes. En avril 2023, elle a aussi participé à un sit-in avec d’autres organisations féministes et LGBTQI. Le 28 mai 2023, journée internationale de l’hygiène menstruelle, Yamiley lançait son projet Menstru_Elle.
Port-au-Prince, 27 Octobre 2023-La Ligue/-Dans cette interview, elle nous détaille ce projet et partage son point de vue sur les enjeux liés à la stigmatisation des règles menstruelles dans la construction de l’identité et d’estime de soi.
La Ligue : Parlez-nous de votre projet Menstru_Elle.
YD : Au départ, le projet Menstru_ELLE était mon idée. J’en ai parlé avec deux autres consœurs pendant le mois de Février 2023, nous avons pris la responsabilité de travailler sur la première partie du projet qui consistait à montrer, à travers une pièce de théâtre, quelques contraintes qu’une jeune fille peut rencontrer lors de ses premières règles. Nous avons longuement réfléchi sur la stigmatisation des règles qui est surtout très présente dans la famille, et nous avons aussi échangé nos idées sur quel comportement les parents devraient avoir face à cette situation.
LL : En quoi consiste ce projet ?
YD : C’est un projet visant à changer les mauvais comportements de la société, les préjugés envers les femmes et les jeunes filles concernant leurs menstruations. Le projet vise à aider les jeunes filles à n’avoir pas honte de leurs règles car c’est un processus naturel.
LL : Vous êtes une femme féministe qui s’intéresse de près au sujet des menstruations que certains considèrent toujours aujourd’hui comme un sujet tabou. Qu’est-ce qui, dans votre parcours, vous a mené à cet endroit?
YD : L’une des raisons pour lesquelles j’ai choisi ce sujet, c’est parce que je n’étais malheureusement pas préparée quand j’ai eu mes premières règles. J’ai cru que c’était une mauvaise chose, et je n’avais rien dit à la maison. Avant cette période, personne ne m’avait préparée pour ce moment. Quand les autres femmes qui habitaient à la maison avaient l’habitude d’avoir leurs règles, je remarquais qu’elles portaient des serviettes hygiéniques mais je n’ai jamais compris pourquoi. Elles n’ont jamais pris le temps de m’expliquer non plus.
En bref, ce qui m’a réellement mené à ce projet, c’est le regard des gens sur ce sujet. Parler règles est tabou, et il est temps qu’on en finisse avec ces clichés.
LL : En tant que femme, nous avons chacune notre expérience personnelle quant à l’apparition de nos premières règles. Comment décririez-vous la vôtre ?
YD : Quand j’ai eu mes premières règles, j’ai beaucoup pleuré. J’ai caché mes sous-vêtements, je ne voulais pas qu’on sache que je saignais. J’ai pris un bain et pour ne pas me faire gronder, j’ai dû mettre du papier hygiénique dans ma petite culotte car je saignais beaucoup. Je ne voulais pas que mes vêtements soient tachés de sang.
LL : Pensez-vous qu’une formation dans les établissements scolaires au sujet des règles menstruelles aiderait à combattre la stigmatisation qu’il y a autour de ce sujet ?
YD : Évidemment , les établissements scolaires méritent des formations au sujet des règles. Car, les filles se font souvent harceler par leurs camarades de classe. La période de menstruation est une période de gêne, de honte, de peur et de stress pour la jeune fille. Ceci est en partie dû à un manque d’information et de discussion sur les menstrues et sur la façon de les gérer. Une grande partie des filles haïtiennes n’ont pas entendu parler des règles avant qu’elles ne les aient eu pour la première fois, et beaucoup de filles en ont peur à cause de cela.
Toutes les filles doivent avoir accès aux informations exactes sur la menstruation, ainsi qu’aux équipements sanitaires adaptés dans toutes les écoles.
LL : – Pensez-vous que ces normes au sujet des menstruations auraient eu moins de poids si les hommes aussi saignaient ?
YD : Il ne s’agit pas exactement du fait que les hommes ne saignent pas chaque mois comme nous. Mais, nous avons un problème de société qui mérite un grand changement au niveau de la pensée. Nous devons éduquer nos filles, les préparer à ce qui les attend, ce qui leur permettra de vivre mieux l’expérience. En gros, nous devrions normaliser les conversations sur les menstruations.
Interview réalisée par Jenny Prinston