Violences faites aux femmes en Côte d’Ivoire : La ligue alerte sur l’absence d’application des lois sur le terrain
Abidjan, 25 Novembre 2023-La Ligue/-Aujourd’hui, c’est la journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes.
Cette journée marque le début des 16 jours d’activisme contre les violences faites aux femmes.
Chaque année, La Ligue Ivoirienne Des Droits Des Femmes mène des activités afin de sensibiliser sur les violences et de présenter à l’opinion publique, nationale et internationale, ce que vivent les femmes ivoiriennes.
Du 1er janvier 2023 au 25 novembre, 329ème jour de l’année, La Ligue Ivoirienne des droits des femmes a enregistré 205 cas de violences sur les femmes. En effet, bien que 80% de ces cas aient été rapportés à la police et à la gendarmerie, moins de 70% ont une suite judiciaire. La complexité du système, le mauvais accueil et la durée de la procédure judiciaire en matière de violences faites aux femmes n’encouragent pas les victimes à saisir la justice. Le 21 novembre, le Ministère de la femme, de la famille et de l’enfant par la voix de la responsable du Programme National contre les violences faites aux femmes affirmait que le Ministère avait enregistré et pris en charge 5360 cas de janvier à septembre. ll est important de signifier que ces chiffres ne précisent pas s’ils prennent en compte les chiffres des autres acteurs agissant contre les violences faites aux femmes. 7919 cas de VBG ont été rapportés et pris en charge en Côte d’Ivoire en 2022 selon le Ministère de la Femmes.
Malheureusement, nous n’avons pas les chiffres des cas résolus bien que c’est impératif et important de les connaître.
De plus, il est important de préciser que ces chiffres ne sont pas holistiques ; ils ne prennent pas en compte les cas suivis et pris en charge par les autres acteurs de la lutte contre les violences basées sur le genre.
Le 21 novembre dernier, c’est avec émoi que nous avons été informé du meurtre d’une institutrice dans le département de Man. Une semaine plus tôt, une autre institutrice était victime de viol dans la ville de Samatiguila. Ces deux femmes sont victimes du laxisme de notre société et de nos institutions.
Leurs bourreaux sont encore en liberté. A cela, s’ajoute le mauvais traitement des cas de violences par les Policiers et les Gendarmes.
Au mois de juillet 2022, nous avons été saisies par Dame T.B. victime de violences conjugales. Elle s’est enfuie de chez elle et a dû changer de ville du fait des violences et des menaces permanentes de son conjoint. Ce dernier n’a jamais été mis aux arrêts malgré les nombreuses plaintes qu’elle a déposées. Elle se terre et vit aujourd’hui avec la peur d’être retrouvée par son ex-conjoint.
En octobre 2022, Dame M.G. victime de viol, a porté plainte à la Gendarmerie d’Ayama, le lendemain de son agression. Elle a même payé la somme de trente-cinq mille francs CFA aux gendarmes qui l’ont reçue aux fins de retracer son téléphone emporté après son agression par son bourreau . Le téléphone fut retrouvé les jours suivants et le nouveau propriétaire avait été arrêté par la gendarmerie puis relâché. Selon la gendarmerie, c’était un homme malade qui avait promis revenir après ses soins. Madame M.G. est depuis lors en attente d’une suite et vit dans la peur et l’anxiété car le viol s’est produit à son domicile. A ce jour, son agresseur n’a pas été retrouvé.
Cependant, nous tenons à saluer les efforts faits par l’Etat de Côte d’Ivoire depuis 2019 dans le renforcement de l’arsenal juridique contre les violences faites aux femmes. Nous pouvons citer :
- La définition du viol dans le Code pénal ivoirien en 2019 en son article 403. Ce Code dispose que ce crime est passible de 20 ans de prison, et de la prison à perpétuité si l’auteur a été aidé par une ou plusieurs personnes ou si la victime est une mineure de moins de 15 ans.
- La Loi n° 2021-894 du 21 décembre 2021 relative aux mesures de protection des victimes de violences domestiques, de viol et de violences sexuelles autres que domestiques.
L’Etat de Côte d’Ivoire démontre ainsi qu’il a pleinement conscience de l’ampleur de ce fléau, cependant la mise en application de ces belles lois peine à se voir sur le terrain.
La lenteur des procédures et des décisions de justice ainsi que les dysfonctionnements dans la démarche de prise en charge des cas de violences faites aux femmes constituent des obstacles dans la lutte contre les violences faites aux femmes. La persistance de l’impunité à l’égard des auteurs de violences envers les femmes fait l’objet de vives préoccupations pour la Ligue Ivoirienne Des Femmes et pour toutes les femmes de Côte d’Ivoire.
Les violences faites aux femmes sont une atteinte à leurs droits humains fondamentaux. Elles ont des conséquences sur la santé physique et mentale des femmes et sur leur épanouissement dans la société.
En cette journée contre les violences à l’égard des femmes, La Ligue Ivoirienne des Droits des Femmes interpelle l’Etat de Côte d’Ivoire sur la nécessité de veiller à la bonne application des lois relatives aux violences faites aux femmes.
La Ligue réaffirme son engagement au côté de toutes les femmes victimes de violences afin qu’elles ne soient plus jamais seules.